Argus des Montres: Xavier Dietlin, "La star, c'est la montre, pas la vitrine !"
Vaut-il mieux dématérialiser les montres ou faire disparaître leur support ? Rencontre avec Xavier Dietlin, l'homme qui, depuis 15 ans, réinvente les points de vente.
Par OLIVIER MÜLLER
Comment mieux présenter ses montres en boutique ? En les dématérialisant, dit l'Angleterre. Faux, répond la Suisse : la pièce reste réelle, c'est à la vitrine de se réinventer. Le premier contact avec une montre est toujours visuel. Pourtant, depuis près d'un siècle, personne n'a imaginé que l'on pouvait améliorer le fameux présentoir en vitrine ! On y trouve donc toujours la montre sur son support avec son imparable appendice tarifaire accroché à sa boucle, comme l'ultime laisse qu'il faudra lui ôter avant de se l'octroyer. Personne... ou presque. Car, depuis quelques années, en coulisse, certains acteurs essaient de faire évoluer les mentalités. Aujourd'hui, deux approches se dessinent. Ou plutôt se dressent l'une contre l'autre : celle qui dématérialise la montre, et celle qui dématérialise son support.
Xavier Dietlin, un inconnu célèbre.
Son nom ne dit probablement rien au grand public. C'est d'ailleurs une discrétion qu'il affectionne. Pourtant, en coulisse, Xavier Dietlin est l'un des acteurs de la vente horlogère parmi les plus courus. En quinze ans, l'homme a révolutionné la manière de présenter une montre. Depuis Dietlin, on ne conçoit plus une montre Hublot statique, sagement posée derrière son bouclier de verre. Avec Jean-Claude Biver, alors CEO de Hublot, il a inventé le Raptor. Et par la même occasion, il a fait sauter cette fameuse vitre de verre qui brisait tant de reflets et mettait tant de distance entre la montre et son client.
Avec le Raptor, la pièce est posée sur un support dynamique, sans vitre, presque à portée de main. Presque, car une cellule détecte toute approche de la main à moins de 5 centimètres de la pièce et la fait s'engloutir en moins d'une seconde dans son support. Comme un lapin fuyant dans son terrier, la pièce ne remontrera le bout de ses aiguilles que lorsque l'intrus aura éloigné sa main... Ludique, efficace, inédit : Hublot a tout simplement acheté l'exclusivité du procédé pour cinq ans !
Obnubilés par la technologie.
Pourtant, le marché horloger reste très immature lorsqu'il s'agit de présenter - et donc de vendre - ses propres pièces. Le paradoxe est criant : les marques rivalisent de créativité dans leurs campagnes, leurs créations, sur les réseaux sociaux, leurs événements... et négligent le maillon final de la séduction horlogère : le présentoir. "Tous les clients sont mes amis, mais, bien souvent, les marques ne savent pas ce qu'elles veulent", renchérit Xavier Dietlin.
"Elles sont attirées par la surenchère technologique, un nombre infini d'options de lumière, de son, d'animations. Mais la star, c'est la montre, pas la vitrine. Pour de grandes marques institutionnelles, une vitrine sobre sera par exemple
ce qu'il y a de mieux."
Vitrine intime.
Xavier Dietlin constate d'ailleurs que son best-seller actuel est une vitrine de centre de table, de format réduit et qui tourne sur elle-même. "Les marques ont compris que les événements somptueux ont fait leur temps. Aujourd'hui, ce qui marche, ce sont les dîners VIP en format réduit", analyse-t- il. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir toujours de multiples idées dans les cartons. Jusqu'au jour où un client lui esquisse un projet et que Xavier Dietlin, tel un apothicaire, va chercher sur ses étagères le brouillon qu'il a déjà imaginé et qui répond à la demande. "C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec Chronopassion", s'amuse-t-il aujourd'hui. "J'avais imaginé il y a très longtemps des vitrines rotatives, de façon à ce que les détaillants puissent faire varier leurs gammes exposées au gré de leur humeur, sans devoir recomposer toute la vitrine. Et puis un jour, Laurent Picciotto est venu me voir en me disant : J'ai beaucoup de montres et peu de place en vitrine. On fait comment ? Mon idée de vitrine rotative est aujourd'hui implantée chez lui !"
Virtuels anglais.
Quelques brasses plus loin, de l'autre côté de la Manche, c'est une autre partie qui se joue. Les détaillants anglais ont un problème : leurs clients potentiels n’osent pas franchir la porte d'entrée de leur boutique. Le raisonnement est donc le suivant : si le client n'entre pas en boutique, c'est à la boutique de sortir vers lui. Mais comment faire sortir à l'air libre des pièces de plusieurs milliers d'euros sans risque de vol ? En les dématérialisant ! C'est tout le concept de la société Holition. Elle s'appuie sur la réalité augmentée. Les passants devant une enseigne de montres peuvent y prendre, en libre-service, un fac- similé de montre, en papier blanc, qu'ils mettent à leur poignet. En passant le poignet ainsi habillé devant un écran, ils peuvent alors y voir la simulation de ce que représenterait le modèle de leur choix à leur poignet, grâce à un logiciel qui plaque sur la zone blanche du fac-similé la projection d'un vrai modèle. Si la séduction opère, le client entrera en boutique pour essayer le modèle - le vrai, cette fois.
Tissot, Boucheron, TAG Heuer, ainsi que Harrods et Bloomingdale's ont déjà été Dans le même esprit, la société Colour Holographie - anglaise elle aussi - a inventé la vitrine de montres... sans montres. Au Salon QP, en novembre, elle a démontré que l'on pouvait atteindre des résultats plus vrais que nature, sans risque de vol. Sans même parler de la possibilité de répliquer en de multiples points de vente l'image de pièces en séries très limitées qui ne pourraient pas physiquement y être...
L'approche ne séduit toutefois pas Xavier Dietlin, pour qui la montre est précisément le seul élément intangible d'une vitrine. C'est à cette dernière de s'adapter, pas l'inverse. Décidément, le match France-Angleterre ne se joue pas que dans les stades...
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